Les Blogs Nord Eclair - 04/09/2013

Comment poursuivre une agression homophobe ?

 

Me Faustine Broulin, avocate à Lille, représente l'association LGP de Lille:"ça n'est pas si facile de dire qu'on est homosexuel et qu'on a été agressé pour ça".

Des débats fiévreux pendant cinq heures, ce mercredi au tribunal de Lille, pour le procès des trois présumés skins homophobes qui ont attaqué, le 17 avril dernier, le « Vice-Versa », un bar gay du Vieux-Lille. Une thèse vigoureusement contestée par la défense qui, tout d’abord, a déposé une pluie de demandes de nullité. Résumons.

Après de nombreux errements, dont une tentative de comparution immédiate et une incarcération provisoire du trio infirmée par la Cour d’Appel de Douai, les propos homophobes ne peuvent être finalement poursuivis que devant une juridiction normale. Plusieurs reports surviennent suite à la bévue initiale du parquet. Or, hier, les avocats de la défense contestent toujours les citations à comparaître : elles seraient trop imprécises. Au final, on ne reprocherait plus qu’un seul « P.D. » prononcé par les trois prévenus. « Une injure au singulier » fait remarquer Me Maxime Moulin.

Le président Mikael Simoens décide alors, après une suspension, de joindre les incidents au fond.

Côté victimes, on décrit une agression concertée : des skins qui viennent provoquer avant de distribuer coups et injures.

Côté prévenus, on nie à peu près tout. « Vous ne saviez pas que c’était un bar homosexuel ? Vous n’avez jamais vu un arc en ciel ailleurs que dans le ciel ? » s’inquiète avec un sourire pincé le président. Mais les trois suspects minimisent toujours. « C’est tout de même difficile à croire ! Il n’y a eu des coups, des chaises lancées, des injures et vous n’avez rien entendu du tout !» constate le président. « Je voulais simplement déplacer le mobilier » rétorque carrèment un prévenu.

On apprend que deux des trois prévenus ont bien milité dans les rangs des mouvements extrémistes « Troisième Voie » et « Jeunesses nationalistes révolutionnaires », organisations dissoutes depuis par Manuel Valls. Ce 17 avril, les trois prévenus avaient bien défilé avec Troisième Voie derrière la manifestation anti-mariages pour tous.

Pour les trois victimes, Me Aurélien Blat va reprendre avec patience l’ensemble des violences et des injures reprochées tandis que Me Faustine Broulin intervient pour LGP-Lille, une organisation de gays et de lesbiennes.

La procureure Thomas-Cabanette ne mâche guère ses mots : « s’il n’y avait pas eu de haine de l’autre parce qu’il est différent, il n’y aurait pas eu cette agression du 17 avril ». 12 mois de prison dont 6 avec sursis sont requis.

Des réquisitions jugées disproportionnées par les avocats de la défense. « C’est une rixe banale qui n’aurait aucun écho s’il n’y avait pas cette tempête médiatique » estime Me Catteau. « On évoque leur participation à une manifestation! On ne juge pas un contexte, on juge des faits. Dans le dossier, il n’y a presque rien de concret» objecte Me Ghestem. « Mon client a jeté une chaise dans le bar sans blesser personne et on réclame contre lui une peine énorme alors qu’il n’a jamais été condamné et qu’il a déjà perdu son travail ! » conclut Me Moulin. Prononcé du jugement le 27 novembre.

Didier Specq